Après avoir exploré les bases dans le premier module, nous approfondirons ici l'étude des ingrédients spécifiques utilisés dans les formules de détergents. Vous apprendrez en détail le rôle et l'impact de chaque composant, des tensioactifs aux agents de conservation, en passant par les enzymes et les agents de blanchiment. Ce module vous fournira les connaissances nécessaires pour comprendre comment chaque élément contribue à l'efficacité et à la sécurité des produits détergents tout en tenant compte des normes environnementales et de performance.
Les agents tensioactifs (Surfactants)
Les agents tensioactifs, ou surfactants, sont l'un des ingrédients essentiels dans la fabrication des produits détergents, et leur rôle est crucial dans le processus de nettoyage. Ces molécules ont une structure unique qui leur permet de modifier les interfaces entre les substances, rendant l'eau plus efficace pour éliminer les impuretés.
Structure Amphiphile : Une double personnalité
La caractéristique principale des tensioactifs réside dans leur structure amphiphile. Cela signifie qu'ils possèdent deux parties distinctes : une tête hydrophile (qui aime l'eau) et une queue lipophile (qui repousse l'eau). La partie hydrophobe est généralement composée d'une chaîne alkyle ou grasse, tandis que la tête hydrophile est attirée par l'eau. Cette structure leur permet de se comporter de manière particulière dans des solutions aqueuses et de jouer un rôle clé dans le nettoyage.
Le rôle clé des surfactants dans l'action détergente
Cette dualité permet aux tensioactifs de réduire la tension superficielle de l'eau, facilitant ainsi son action de mouillage. Cela aide l'eau à pénétrer plus facilement dans les tissus ou à se mélanger aux particules de saleté. En réduisant cette tension, les tensioactifs rendent l'eau plus fluide et capable de déloger plus efficacement les particules grasses ou huileuses des surfaces.
Le rôle principal des surfactants est de disperser la saleté dans l'eau, l'empêchant ainsi de se redéposer sur les surfaces nettoyées. Lorsqu'ils sont présents en concentrations élevées, appelées Concentration Micellaire Critique (CMC), les tensioactifs forment des structures appelées micelles. Ces micelles sont des agrégats où les queues hydrophobes des tensioactifs se regroupent au centre, tandis que les têtes hydrophiles restent en contact avec l'eau. Cela permet aux impuretés huileuses et grasses d’être piégées et éliminées plus facilement lors du rinçage.
Les quatre types de tensioactifs
Les tensioactifs se classent principalement en quatre catégories, selon la nature de leur groupe polaire, chacun ayant des propriétés spécifiques adaptées à différentes applications.
- Tensioactifs
Anioniques
Ces tensioactifs possèdent un groupe polaire chargé négativement, ce qui les rend très efficaces pour nettoyer les surfaces et générer une mousse abondante. Ils sont utilisés dans la majorité des détergents ménagers. Parmi les exemples populaires, on trouve les Alkylbenzènesulfonates et les Alkylsulfates. Cependant, ils peuvent interagir avec les minéraux dans l'eau dure, nécessitant parfois l'ajout d'agents séquestrants. - Tensioactifs
Nonioniques
Ces molécules ne portent pas de charge électrique dans une solution aqueuse. Leur efficacité vient de la formation de liaisons hydrogène, et elles sont souvent combinées avec des tensioactifs anioniques. Les Éthoxylates d'alcools gras et les Alkyl polyglucosides (APG) en sont des exemples courants. Ces tensioactifs génèrent moins de mousse mais sont particulièrement utiles dans des applications où la douceur et la solubilité sont essentielles. - Tensioactifs
Amphotères et Zwitterioniques
Ces tensioactifs peuvent adopter une charge positive ou négative selon le pH de la solution. Ils sont très doux et souvent utilisés dans des formulations destinées à des applications plus sensibles, comme les soins pour la peau ou les produits pour bébé. Cocamidopropyl bétaïne en est un exemple typique. - Tensioactifs
Cationiques
Ces tensioactifs portent une charge positive. Bien qu'ils ne soient pas aussi courants dans les détergents ménagers, ils sont utilisés dans des produits comme les adoucissants textiles. Leur capacité à interagir avec les fibres textiles leur confère des propriétés antistatiques et adoucissantes. Un exemple classique est le Distearyldimethylammonium chloride (DSDMAC).
Propriétés des surfactants
Les surfactants doivent répondre à plusieurs critères pour être efficaces dans la formulation des détergents. Parmi les propriétés clés, on retrouve :
- Détergence : Leur capacité à éliminer la saleté grâce à la réduction de la tension superficielle et à la formation de micelles qui piègent les impuretés.
- Moussage : La production de mousse est un critère important pour les consommateurs, surtout dans les détergents liquides. Les tensioactifs anioniques sont particulièrement efficaces pour créer une mousse abondante.
- Tolérance à la peau : Cette propriété est cruciale dans les produits de nettoyage à utiliser sur la peau, comme les shampoings ou les produits de vaisselle à la main. Certains surfactants sont spécifiquement choisis pour leur douceur et leur capacité à ne pas irriter la peau.
Choisir les bons surfactants pour une formulation
Le choix d'un surfactant dépend de plusieurs facteurs, notamment le type de salissure à éliminer, la nature de la surface à nettoyer, et la température de lavage. D'autres considérations incluent la dureté de l'eau, le niveau de mousse désiré, et les exigences environnementales.
Un outil fondamental pour guider ce choix est la Balance Hydrophile-Lipophile (HLB). Cette échelle mesure l'affinité d'un tensioactif pour l'eau ou l'huile et permet de déterminer quelle formulation sera la plus efficace. Par exemple :
- Des tensioactifs avec un HLB élevé (>16) favorisent les émulsions huile-dans-eau.
- Un HLB plus faible (3-8) est plus adapté aux émulsions eau-dans-huile.
Les agents tensioactifs sont des éléments incontournables des formulations détergentes, et leur structure amphiphile leur confère une grande polyvalence. Que ce soit pour la réduction de la tension superficielle, la formation de micelles ou la dispersion de la saleté, leur capacité à interagir avec les différents types de substances les rend essentiels dans le nettoyage. Comprendre leur classification, leurs propriétés et leur interaction avec les autres ingrédients de la formulation permet de créer des produits plus efficaces et adaptés aux besoins spécifiques des consommateurs.
Les builders ou adjuvants sont des ingrédients clés dans les formulations de détergents, dont la fonction principale est d’améliorer la performance du nettoyage, notamment en adoucissant l’eau. Le terme "builders" trouve son origine dans les additifs utilisés autrefois pour rendre le savon plus efficace. Par la suite, il a désigné des agents adoucisseurs d'eau, comme les phosphates, les zéolites, les silicates ou encore les carbonates, qui jouent tous un rôle fondamental dans la performance des détergents modernes.
Ces adjuvants agissent en neutralisant les effets néfastes des ions minéraux présents dans l'eau dure, en particulier le calcium (Ca²⁺) et le magnésium (Mg²⁺). Ces ions peuvent nuire à l'efficacité des tensioactifs anioniques, en formant des précipités insolubles qui réduisent leur action de nettoyage. De plus, le calcium a tendance à favoriser la redéposition des salissures sur les tissus, compliquant ainsi le nettoyage.
Les builders
Les builders remplissent plusieurs fonctions essentielles pour améliorer les performances des détergents :
- Séquestration des ions calcium et magnésium : Les builders peuvent réagir avec ces ions en solution pour former des complexes hydrosolubles. Ce processus de séquestration empêche les ions métalliques d'interférer avec l'action des tensioactifs ou de se lier aux particules de saleté. Un détergent "built" est ainsi celui dont la solution de lavage contient suffisamment de builders pour former ces complexes.
- Précipitation des sels insolubles : Certains builders agissent en précipitant les ions calcium et magnésium sous forme de sels insolubles. Ces précipités peuvent être dispersés dans la solution et être ensuite dissous grâce à d'autres agents complexants qui forment des complexes solubles.
- Apport d’alcalinité : En plus de leur action adoucissante, les builders apportent de l’alcalinité à la solution de lavage, ce qui permet de maintenir le pH dans une plage optimale. Un pH élevé favorise la neutralisation des acides gras présents dans les salissures, les transformant en savons solubles et facilitant ainsi leur élimination. Il améliore aussi l'effet électrostatique en empêchant la redéposition des salissures, car, à pH élevé, la majorité des impuretés et substrats deviennent chargés négativement, créant une répulsion.
- Tamponnage du pH : Certains builders jouent également un rôle de tampon, stabilisant le pH de la solution de lavage, même lorsqu’il y a des ajouts d’acides (comme ceux provenant des graisses) ou de bases. Cela permet d’assurer un nettoyage optimal.
Il existe plusieurs types de builders utilisés dans les formulations de détergents, chacun avec des propriétés spécifiques et des avantages variés.
- Les phosphates, notamment le tripolyphosphate de sodium (STPP), ont longtemps été les builders les plus utilisés. Ils sont très efficaces pour complexer les ions métalliques et fournir une alcalinité de réserve. Cependant, leur utilisation a diminué ces dernières années en raison des préoccupations environnementales liées à leur impact sur l’environnement aquatique.
- Les zéolites sont des aluminosilicates de sodium insolubles qui se sont rapidement répandus en remplacement des phosphates, notamment en Europe. Bien qu'efficaces pour échanger les ions sodium avec ceux du calcium et du magnésium, les zéolites ont l’inconvénient de ne pas pouvoir traiter les ions déjà déposés sur les tissus ou dans les machines. Elles sont donc souvent utilisées en combinaison avec d'autres agents pour optimiser leur action.
- Les silicates sont utilisés principalement pour leur alcalinité, qui aide à protéger les surfaces métalliques, notamment l'acier inoxydable. Ils offrent également des propriétés d’adoucissement de l’eau, mais sont parfois associés à d'autres builders pour une efficacité accrue.
- Les carbonates, en particulier le carbonate de sodium, sont également courants dans les formulations de détergents. Bien qu’ils apportent une alcalinité de réserve, leur rôle dans l’adoucissement de l’eau est limité par rapport à d’autres builders.
- Les complexants organiques, tels que l'EDTA, le NTA, ou l'acide citrique, sont aussi utilisés pour leur capacité à former des complexes avec les ions métalliques. Ils jouent également un rôle dans la stabilisation des agents de blanchiment et dans l'inhibition de l'incrustation minérale.
Le dosage des builders dans une formulation de détergent dépend de plusieurs facteurs, comme la dureté de l’eau, le type de salissure à éliminer, ou encore la nature du tensioactif utilisé. Les builders sont souvent utilisés en combinaison pour optimiser leurs effets et obtenir un nettoyage performant tout en répondant aux exigences environnementales et économiques.
Les builders sont des ingrédients multifonctionnels indispensables dans les détergents. Leur capacité à gérer les ions de l’eau dure, à fournir de l’alcalinité, à tamponner le pH et à améliorer l'efficacité des tensioactifs est essentielle pour garantir un nettoyage optimal. Le choix des builders et leur combinaison dans une formulation dépendent de nombreux facteurs, dont la composition chimique, les contraintes environnementales et les spécifications du produit fini.
Les agents de blanchiments
Les agents de blanchiment jouent un rôle essentiel dans le nettoyage et l'élimination des taches, grâce à des réactions chimiques spécifiques. Ils agissent par oxydation ou réduction pour décomposer les molécules colorées présentes sur les surfaces, modifiant ainsi leur capacité à absorber la lumière visible et rendant la couleur moins apparente. Ces réactions provoquent une dégradation irréversible des groupes chromophores responsables de la couleur, souvent en réduisant les molécules en particules plus petites et solubles, ce qui facilite leur élimination.
Mécanisme d’action
Le blanchiment se fait par oxydation dans la plupart des cas, ce qui signifie que des liaisons insaturées présentes dans les substances colorées (comme celles des pigments dans le vin rouge ou le thé) sont rompues. Par exemple, l'oxydation par le peroxyde d'hydrogène ou d'autres composés peroxyde (comme le perborate ou le percarbonate) dégrade ces doubles liaisons pour transformer les molécules en plus petites entités. Ce processus crée des molécules comme les aldéhydes ou les acides, facilitant ainsi la décomposition des substances colorées.
Classification des agents de blanchiment
Les agents de blanchiment se classent en trois catégories principales :
- Agents réducteurs (comme les sulfites ou bisulfites) qui peuvent être efficaces, mais sont rarement utilisés dans les détergents à cause de leur odeur désagréable.
- Composés chlorés.
- Composés capables de libérer de l'oxygène actif, qui sont les plus couramment utilisés dans les détergents modernes.
Composés libérant de l'oxygène
Les composés libérant de l'oxygène actif sont les plus détaillés dans les sources et incluent :
Précurseurs de peroxyde d’hydrogène :
- Perborate : Utilisé principalement en Europe, il est plus efficace dans les machines à laver à haute température (80-90°C). Il existe sous forme tétrahydrate (NaBO₃·4H₂O) ou monohydrate (NaBO₃·nH₂O, où n=0). Le perborate monohydrate est plus soluble et forme plus rapidement du peracide en présence de TAED, ce qui le rend très stable dans des conditions chaudes et humides. Cependant, sa dissolution plus lente peut entraîner des pertes mécaniques dans les machines. Dans une solution de perborate, l'ion responsable du blanchiment est l'anion perhydroxyle (HOO⁻), et sa concentration dépend de la température et du pH.
- Percarbonate : Utilisé dans des poudres concentrées, notamment avec des formulations à base de zéolite, car elles contiennent moins d'eau. Bien qu’instable dans ces poudres en raison de la présence de métaux de transition, l'encapsulation de ce composé permet de résoudre ce problème de stabilité. À poids égal, le percarbonate produit plus d'oxygène actif que le perborate. L’utilisation du percarbonate pourrait augmenter, notamment en raison des préoccupations concernant les niveaux de bore dans l'eau potable.
- Autres précurseurs : D'autres substances comme le polyvinylpyrrolidone/peroxyde d'hydrogène, le percarbamide ou les persulfates ont été étudiées, mais elles manquent de stabilité dans les poudres et ne sont pas attendues pour être largement utilisées.
Activateurs de blanchiment :
Les activateurs ont été développés pour améliorer l'efficacité des agents de blanchiment à basse température, notamment pour économiser de l'énergie. L'activation se fait par perhydrolyse, une réaction entre un activateur et un anion perhydroxyle.
- Activateurs hydrophiles : Un exemple est le TAED (tétraacétyléthylènediamine), qui, introduit en 1978, permet au perborate de mieux fonctionner à basse température (en réduisant la température de lavage nécessaire). L’acide peracétique produit par cette réaction est efficace au-dessus de 40°C et possède également des propriétés antibactériennes.
- Activateurs hydrophobes : Ces activateurs, comme le SNOBS (sodium nonanoyloxybenzenesulfonate), sont plus adaptés aux lavages à basse température, car ils s'adsorbent facilement à l’interface tissu/solution. Ils sont utilisés dans les régions où les températures de lavage sont plus basses qu’en Europe.
- Activateurs cationiques : Ces activateurs créent des peracides cationiques, qui sont particulièrement efficaces contre les taches en raison de leur capacité à se fixer aux tissus. Ils sont aussi moins agressifs pour les textiles et bien biodégradables.
Peracides libres (préformés) :
Les peracides préformés, comme l’acide dipéroxyphthalique (SUPROX) ou l’acide phtalimidopéroxycaproïque (PAP), sont efficaces à basse température (30°C), offrant un blanchiment immédiat sans décomposer les taches de sang, ce qui évite le noircissement des tissus. Ils possèdent de bonnes propriétés antimicrobiennes et sont prometteurs pour une utilisation future grâce à leur excellente solubilité, stabilité et biodégradabilité.
Composés chlorés
Les composés chlorés, tels que l’eau de Javel, ont été parmi les premiers agents de blanchiment utilisés par les consommateurs et sont encore largement utilisés, notamment aux États-Unis pour les lavages à basse température où d’autres agents comme le perborate sont inefficaces. En Europe, ils sont souvent utilisés dans le cycle de rinçage.
- Espèce active : Dans les produits chlorés, l’espèce responsable de l’oxydation est l’hypochlorite (ClO⁻), qui provient de composés comme le trichloroisocyanuric acid (TCCA) ou les sels de dichloroisocyanurate.
- Avantages de l’hypochlorite : Il décolore la plupart des colorants et des taches de moisissure, et c’est un des agents antimicrobiens les plus rapides et efficaces. Il "casse" également les molécules organiques comme les protéines et graisses, facilitant leur élimination.
- Désavantages : Les agents chlorés peuvent décolorer les fibres et les azurants optiques, et sont agressifs pour certains types de fibres, ce qui limite leur utilisation, notamment en Europe.
Les agents de blanchiment sont principalement utilisés pour éliminer les taches par oxydation ou réduction. Les composés libérant de l'oxygène actif, comme le perborate, le percarbonate et les peracides, sont particulièrement efficaces, surtout à basse température grâce aux activateurs comme le TAED. Les composés chlorés, bien que toujours utilisés, notamment aux États-Unis, présentent des limitations en raison de leurs effets agressifs sur les textiles et les couleurs.
Les Enzymes
Les enzymes sont des biocatalyseurs organiques produits par les cellules vivantes. Elles sont conçues pour cibler et dégrader des taches spécifiques en régulant des réactions biochimiques. Ces enzymes se régénèrent rapidement, leur permettant de catalyser de nouvelles réactions. Elles sont essentielles dans les détergents pour l'élimination des taches, qu'elles soient protéiques, grasses, ou non grasses, ainsi que des particules incrustées. Par exemple, elles décomposent les protéines, les graisses ou l'amidon en fragments plus petits, ce qui facilite leur élimination par les détergents. Leur efficacité est remarquable, même à faible dose.
Les différents types d'enzymes
Les enzymes sont souvent nommées selon le substrat qu'elles dégradent, en ajoutant le suffixe « -ase ». Les types courants dans les détergents incluent :
- Protéases : Ces enzymes dégradent les taches à base de protéines, telles que le sang, l'œuf, le lait, l'herbe ou la kératine (sur les cols et poignets). Elles appartiennent à la classe des hydrolases et attaquent les liaisons peptidiques.
- Lipases : Elles s'attaquent aux taches grasses, en catalysant l'hydrolyse des triglycérides insolubles (comme l'huile de salade ou les cosmétiques). Leur effet se voit souvent après plusieurs lavages, car elles sont plus actives lors du séchage, lorsque la concentration en eau diminue.
- Amylases : Ces enzymes décomposent les molécules d'amidon (présentes dans les pâtes, pommes de terre, etc.) en sucres réducteurs intermédiaires. Ces composés de poids moléculaire moyen sont plus facilement éliminés grâce à l'action mécanique de la machine et aux propriétés physico-chimiques des détergents. Les α-amylases bactériennes (de Bacillus subtilis, Bacillus amyloliquefaciens, Bacillus licheniformis) sont fréquemment utilisées.
- Cellulases : Elles décomposent les microfibrilles de coton qui se forment après plusieurs lavages, ce qui adoucit le tissu et élimine les salissures piégées dans les fibres. Cela réduit le grisonnement et améliore la détergence en facilitant l'action des tensioactifs et des lipases. Elles aident aussi à restaurer la couleur des tissus. Ces enzymes proviennent généralement de micro-organismes comme Humicola, Trichoderma, Aspergillus et Bacillus.
Les enzymes ont été utilisées pour enlever les taches de sang dès les années 1950 par les blanchisseurs, mais leur rôle clé dans les détergents ménagers n'a émergé qu'à partir de 1965. Initialement coûteuses et instables, les enzymes étaient extraites d'animaux, mais des avancées technologiques ont permis de développer des enzymes à partir de sources bactériennes et de les encapsuler pour améliorer leur stabilité. Ces améliorations ont permis aux enzymes de devenir un ingrédient de base dans les détergents des dernières décennies.
Mécanisme d'action :
L'enzyme se fixe sur une tache, brise les liaisons chimiques dans la tache, puis se détache des fragments dégradés. Ces fragments sont ensuite éliminés par les détergents, et l'enzyme peut catalyser une nouvelle réaction sur une autre tache. Par exemple, les protéases hydrolysent les liaisons peptidiques dans les protéines, les lipases agissent sur les triglycérides, les α-amylases décomposent l'amidon, et les cellulases dégradent la cellulose en glucose.
Facteurs affectant l'activité :
L'efficacité des enzymes dépend de nombreux facteurs physiques et chimiques. Certains éléments, comme les ions minéraux bivalents (Mn, Zn, Ca) ou les groupes thiols, peuvent activer les enzymes, tandis que d'autres, comme les acides forts ou les solvants dénaturants, les inhibent. La température et le pH jouent un rôle essentiel : l'activité enzymatique varie selon le pH et la température. Les détergents modernes recherchent des enzymes stables et performantes à des pH élevés (9-12) et des températures de 0 à 60°C.
Stabilité et perte d'activité :
La stabilité des enzymes dans les détergents peut être compromise pendant le stockage, ce qui entraîne une perte d'activité. Cette perte est influencée par la granulométrie de la poudre, la présence d'oxydants ou d'agents alcalins, et les conditions de stockage (température, humidité, durée). Trois principaux mécanismes causent la perte d'activité : la dénaturation de l'enzyme, l'autodigestion (l'enzyme devient son propre substrat), et l'inactivation par des réactions extérieures.
Formes des enzymes (Encapsulation)
Les enzymes sont généralement encapsulées pour éviter les problèmes de poussière et d'instabilité, notamment en présence d'eau et de sels hydratés. Les fabricants utilisent diverses méthodes d'encapsulation, telles que le séchage par pulvérisation à froid (prills), la granulation (marumerizer pour les "marumes"), ou l'encapsulation sous forme de nouilles. L'encapsulation permet de protéger les enzymes des conditions défavorables dans les détergents et d'optimiser leur efficacité.
Utilisation dans les produits :
Les enzymes sont aujourd'hui présentes dans la majorité des détergents ménagers sous forme de poudres, liquides ou tablettes. On trouve souvent des cocktails d'enzymes (protéase, amylase, lipase, cellulase) dans les poudres conventionnelles ou concentrées. Dans les produits liquides, les enzymes ciblent des taches spécifiques, mais leur stabilité reste un défi pour les formulateurs, nécessitant un environnement neutre. Dans les lave-vaisselle automatiques, les enzymes (comme l'amylase et la protéase) sont de plus en plus utilisées, avec des formulations qui intègrent également des agents de chloration encapsulés dans des microcapsules de cire.
Les enzymes représentent une technologie de l'avenir, surtout pour les produits concentrés en raison de leur efficacité à faible dose. Grâce à la biotechnologie et au génie génétique, les enzymes sont rendues plus stables, plus efficaces à basse température, et capables de traiter de nouvelles taches spécifiques. Des recherches sont en cours pour développer des enzymes adaptées à des conditions difficiles, comme des températures basses ou des pH extrêmes. De nouvelles enzymes, comme les oxydases, peroxydases et lactases, pourraient prochainement être utilisées dans les détergents pour améliorer le blanchiment, traiter les colorants ou éliminer les taches de fruits.
Sécurité et toxicologie :
Bien que l'ingestion d'enzymes puisse présenter des risques de toxicité, les évaluations montrent une activité résiduelle négligeable dans les produits utilisés sur la vaisselle. Le principal risque réside dans l'exposition des travailleurs à la poussière d'enzyme, nécessitant des précautions particulières pour contrôler cette exposition.:
Les enzymes sont biodégradables et répondent aux exigences environnementales, ce qui en fait un choix privilégié pour les produits de nettoyage respectueux de l'environnement. Leur développement a été grandement influencé par la recherche de solutions plus écologiques.
Les Azurants Optiques (Fluorescent Whitening Agents - FWAs)
Les azurants optiques, ou "brighteners" fluorescents, sont utilisés pour rendre les textiles plus blancs et plus lumineux, un symbole de propreté. Ces agents compensent le jaunissement des fibres, que ce soit dû à la dégradation des matériaux ou à l'accumulation de salissures. Leur action permet de renforcer la blancheur des textiles, en particulier lorsque l'azurage initial est insuffisant.
La découverte de la fluorescence par G. Stokes en 1852 a ouvert la voie à l'utilisation des FWAs. Les premières applications pour blanchir les textiles datent de 1929, mais ce n'est qu'en 1941 que des dérivés synthétiques, comme le Blankophor B, ont permis leur commercialisation à grande échelle. Aujourd'hui, il existe plus de 1000 FWAs utilisés dans les produits de blanchiment.
Mécanisme d'action :
Les FWAs absorbent les rayons ultraviolets (UV) et réémettent cette énergie sous forme de lumière visible, principalement dans la partie bleue du spectre. Ce processus rend l'objet plus brillant, en réfléchissant plus de lumière visible qu'il n'en a reçue, lui donnant ainsi une apparence plus blanche et éclatante.
Chimie et structure :
Les molécules d'azurants optiques sont composées de groupes tels que -CH=CH- ou -CH=N-, souvent associés à des cycles aromatiques. Le DBFBF FWA, développé par Ciba-Geigy, est un exemple de ce type de composé, conçu pour une stabilité accrue dans les poudres compactes. Le Tinopal CBS-X est également couramment utilisé dans les détergents liquides.
Utilisation dans les produits :
Les FWAs sont intégrés dans de nombreux détergents et produits de blanchiment. Ils sont particulièrement efficaces à faible pH et dans les conditions alcalines des lave-vaisselle automatiques. De plus, ils sont souvent combinés avec des agents de blanchiment chimiques pour offrir un effet visuel renforcé sur les vêtements blancs.
Sécurité et environnement :
Les FWAs sont considérés comme sûrs à utiliser à des concentrations faibles dans les produits de consommation. Cependant, une attention particulière est nécessaire en ce qui concerne les impacts environnementaux. Des alternatives à faible impact écologique sont en cours de développement.
Les Agents Anti-redéposition et Polymères
La redéposition des salissures représente un défi majeur dans le processus de lavage des textiles. En particulier, le calcium contenu dans l'eau dure agit comme un "pont" entre les particules minérales et les salissures organiques, telles que les acides gras du sébum, et les fibres des tissus, comme la cellulose oxydée. La plupart des particules solides en suspension et la surface des textiles sont chargées négativement. De plus, les acides gras du sébum peuvent former des précipités insolubles avec le calcium, qui se déposent ensuite sur les fibres. Une concentration élevée de tensioactifs anioniques, tout comme l'ajout d'électrolytes, peut aussi favoriser cette redéposition.
Rôle des polymères :
Pour contrer l'efficacité moindre des tensioactifs synthétiques par rapport au savon en termes de redéposition, de nombreuses recherches ont mis en lumière l'importance des polymères. Ces derniers jouent un rôle essentiel pour maintenir en suspension les particules solides (comme le sable, les pigments ou les taches persistantes) et empêcher leur ré-agglomération, tout en maintenant les polluants en phase dispersée jusqu'au rinçage. Cela permet d'éviter des effets indésirables tels que le grisonnement des articles blancs ou le ternissement des articles colorés. Bien que le mécanisme d'action des polymères ne soit pas totalement compris, on suppose qu'il implique une adsorption à plusieurs niveaux : (i) sur les précipités pour contrôler leur cristallisation et inhiber leur croissance, favorisant ainsi une taille optimale afin d'éviter leur redéposition, et (ii) sur les salissures particulaires pour augmenter la charge négative dans la solution de lavage, ce qui génère une répulsion accrue entre les particules, réduisant ainsi la floculation et la redéposition sur les tissus.
Exemples d'agent anti-re déposition :
Le sodium carboxyméthylcellulose (SCMC) est un exemple d'agent antiredéposition, et son incorporation dans les formulations se fait généralement à une concentration de 0,5 à 1%. Cela est particulièrement pertinent avec la diminution de la proportion d'articles en coton dans les lessives modernes. Les homopolymères d'acide acrylique et les copolymères d'acide maléique/acrylique sont également utilisés comme polymères dans les formulations antiredéposition. Pour les formulations sans phosphate, l'incorporation d'environ 3% de polymères permet de prévenir efficacement l'incrustation et la redéposition des salissures. En outre, pour les formulations concentrées sans phosphate, incluant des échangeurs d'ions ou des agents précipitants, les niveaux de polymères peuvent varier entre 3 et 4%, voire plus. D'autres polymères, tels que les dérivés d'éther de cellulose sur polyester, le polyéthylène (PE) et les copolymères de polyoxyéthylène téréphtalate (POET), peuvent également jouer un rôle dans la dispersion des salissures. La polyvinylpyrrolidone (PVP), quant à elle, est utilisée dans certaines lessives en poudre pour empêcher le transfert de colorants.
Polymères défloculants dans les liquides concentrés :
Dans les formulations de liquides concentrés, la floculation des vésicules peut entraîner une viscosité excessive ou une instabilité du produit. Pour y remédier, l'ajout de petites quantités de polymères dits "défloculants" (généralement entre 0,01% et 1%) permet de maintenir la stabilité et d'éviter des problèmes de viscosité. En même temps, ces polymères permettent une plus grande concentration de tensioactifs tout en maintenant une viscosité similaire à celle des produits moins concentrés. Leur fonctionnement repose sur une interaction spécifique où la partie hydrophobe du polymère s'intègre dans la couche externe de la vésicule, tandis que la partie hydrophile reste exposée, ce qui génère des forces de répulsion entre les vésicules adjacentes.
Autres ingrédients fonctionnels des détergents
Hydrotropes :
Les hydrotropes sont des ingrédients indispensables pour assurer la stabilité des formulations liquides. Ils facilitent la solubilisation d'autres ingrédients et jouent un rôle important dans la gestion de la viscosité. Ils aident à ajuster la viscosité et à contrôler le point de trouble (la stabilité à basse température). Par exemple, dans les liquides isotropiques, les hydrotropes offrent une stabilité de la formulation, tandis que dans les produits de vaisselle manuelle, ils régulent la viscosité et la stabilité.
Exemples :
Des hydrotropes couramment utilisés comprennent le propylène glycol, l'éthanol, et la triéthanolamine. Ces ingrédients sont utilisés seuls ou en combinaison dans les liquides isotropiques. Dans les liquides pour vaisselle, des ingrédients tels que le xylènesulfonate de sodium (SXS), l'urée, et l'éthanol sont également utilisés pour leur rôle hydrotrope. Le glycérol est également présent dans plusieurs formulations de liquides concentrés et structurés.
Agents anti-mousse / Contrôleurs de mousse :
Les agents anti-mousse sont utilisés pour contrôler la mousse, qui peut devenir problématique dans les machines à laver. En Europe, des silicones ou des savons sont utilisés, car la mousse excessive gêne le bon fonctionnement des machines. À l'inverse, aux États-Unis et au Japon, les mêmes tensioactifs peuvent être utilisés sans agents anti-mousse, car les machines tolèrent davantage de mousse.
Les agents anti-mousse peuvent soit empêcher la formation de mousse, soit accélérer sa destruction. Par exemple, des ions inorganiques comme le calcium modifient la stabilité électrostatique des bulles de mousse, tandis que des composés inorganiques ou organiques peuvent remplacer les tensioactifs dans le film de la bulle, réduisant ainsi la stabilité de la mousse.
Les silicones, souvent combinées à de la silice hydrophobisée, sont des agents anti-mousse très efficaces. Cependant, leur efficacité peut être réduite en présence de tensioactifs anioniques tels que le LAS, en raison de l'adsorption du tensioactif sur les particules de silice. Ces silicones sont également utilisées dans les produits de lavage de vaisselle automatique, où leur efficacité est particulièrement notée.
Sels secondaires / Charges :
Dans les formulations de lessives en poudre, certains sels secondaires comme le sulfate de sodium et le chlorure de sodium sont utilisés pour des raisons procédurales, comme l’ajustement de la viscosité et de la densité, ou pour réduire les coûts. Le chlorure de calcium (CaCl2) est également utilisé pour augmenter la viscosité dans certaines formulations de bloc moulé.
Parfums :
Le parfum est ajouté principalement pour masquer les odeurs indésirables des matières premières et pour rendre le produit plus attrayant. Pendant le lavage, la majorité des composants parfumés se dissolvent dans la solution, et bien que les tensioactifs puissent affecter la déposition du parfum sur le tissu, leur impact est limité grâce à la phase dispersée des micelles. Les tensioactifs cationiques ont une meilleure affinité pour le tissu, aidant ainsi à la déposition du parfum.
La stabilité du parfum est primordiale, car son interaction avec la matrice du produit peut affecter sa volatilité et sa durée. Des technologies récentes comme la microencapsulation sont utilisées pour protéger les parfums et améliorer leur déposition en créant des particules encapsulées qui libèrent progressivement le parfum lors du lavage.
Colorants et opacifiants :
Les colorants sont utilisés à des fins esthétiques et marketing, tandis que les opacifiants sont ajoutés pour donner un aspect opaque aux produits. Les opacifiants incluent des sulfates d'alcool à longue chaîne, des alcools gras, et des émulsions de polymères styrène-vinyliques, utilisés dans diverses formulations pour renforcer l'apparence et la texture du produit.
Conservateurs :
Les conservateurs jouent un rôle essentiel dans la prolongation de la durée de vie des produits en inhibant la croissance de micro-organismes. Ils sont particulièrement nécessaires dans les formulations liquides. Des exemples courants de conservateurs incluent le formaldéhyde, le benzoate de sodium, et le sorbate de potassium. Le choix du conservateur dépend souvent du pH du produit et de la législation locale.
Additifs pour peaux sensibles :
Les soins de la peau sont désormais un critère clé dans la formulation de produits de lavage. Des additifs spécifiques sont utilisés pour les formulations destinées aux peaux sensibles, afin de minimiser les irritations tout en maintenant l'efficacité du produit.
Quelques mots pour conclure sur la composition des détergents
Ce module vous a permis de découvrir les différents composants des formules détergentes et leur rôle essentiel dans le bon fonctionnement de ces produits. Vous comprenez désormais comment chaque ingrédient, qu’il soit actif, stabilisant ou auxiliaire, participe à l’efficacité du détergent tout en répondant aux exigences réglementaires et environnementales. Ces connaissances vous offrent une base solide pour mieux appréhender les défis liés à la formulation et à l'innovation dans ce secteur. Nous espérons que cette formation vous sera utile pour vos futures applications et projets dans le domaine des détergents.